mercredi 28 septembre 2016

Ène djint a tous vints



Venant, ainsi qu’il se plaisait à l’affirmer, d’une lignée paysanne, Willy BAL naît à Jamioulx en 1916. Son père est employé de banque. Sa mère tient une petite ferme. Il fréquente l’école de son village, puis le Collège des Jésuites à Charleroi. A 17 ans, il entre à l’ Université catholique de Louvain pour y suivre les cours de philologie romane. Il s’insère activement dans la vie universitaire, occupe la tribune du cercle de Culture wallonne dont il est un des animateurs. Déjà lauré pour un recueil « Oupias d’avrî » publié en 1935, Willy Bal signe des éditoriaux dans la revue Terre wallonne qu’animent Elie Baussart et Arsène Soreil. Il devient même chroniqueur dialectal à l’INR.


C’est avec un mémoire de fin d’études consacré à la « Morphologie du parler de Jamioulx » qu’il obtient, brillamment , en juillet 1937, le titre de licencié en philologie romane. De 1937 à 1938, il travaille à mi-temps comme bûcheron tout en rédigeant une thèse sur le patois de Jamioulx qui lui confère bientôt le titre de docteur. Ce travail sera couronné par l’Académie de langue et de littérature française . Une partie sera publiée en 1949 sous le titre: Lexique du parler de Jamioulx.


En 1938, c’est le service militaire hélas prolongé par la mobilisation. Lors de la campagne de mai 40, Willy Bal, adjudant chef, se retrouve à la tête de son peloton, en première ligne sur la Lys. Fait prisonnier, il est dirigé vers l’Allemagne où il devient, selon ses dires et pendant cinq longues années, « une unité dans un inventaire, une tête de bétail dans un cheptel, une pièce dans un assemblage ». Rentré au pays en 1945, il est encore renvoyé Outre-Rhin en qualité d’officier de l’armée d’occupation.


Enfin, vient mai 46 et sa désignation à l’ Ecole Prince Baudouin de Marchin. Avec son épouse, il exploite alors une petite ferme «  ène vréye cinse come il-a pléji a dîre , nin ène « fermette » come vos pourîz l’ comprinde,ôdjoûrdu, ène vréye cinse, avou dès vréyès bièsses, dès vatches, dès gades , dès bèdots, dès lapins èt dès pouyes a noûri èy’ a stièrni  .Ène cinse où il pratique la culture et l’ élevage tout en menant de front ses activités de professeur , de chercheur, d’écrivain dialectal et de père d’une famille nombreuse : ène vréye nitéye di quate gamins èt trwès fîyes.
En 1948, il devient membre de la Commission royale de Toponymie et de Dialectologie; en 1953, membre titulaire de la Société de Langue et de Littérature wallonne.



Son inlassable activité littéraire et scientifique lui vaut d’être désigné, en 1956, en qualité de professeur de philologie romane à l’Université Lovanium de Léopoldville. « Très vite, Willy Bal se rend compte que la philologie romane , en Afrique, ne devait en aucun cas faire l'objet d'un enseignement similaire à celui qui était pratiqué en Europe et ceci l'a conduit à s'intéresser aux langues africaines ainsi qu'aux premiers textes qui concernaient le Congo, des textes en portugais puisque les premiers explorateurs de cette partie du continent africain venaient du Portugal.Son abondante bibliographie scientifique témoigne d'ailleurs de son intérêt pour ces nouvelles préoccupations philologiques.
Durant une dizaine d’années, il va animer cet établissement, avant de revenir en Belgique, à l’UCL où il sera chargé du cours de linguistique romane.


Nommé professeur ordinaire en 1966,  il devient deux ans plus tard doyen de la Faculté de philosophie et lettres . En 1970, il est nommé vice-président du Conseil académique de l’ UCL , poste qu’il conservera jusque en 1973. Entre-temps, le 9 novembre 1968, il est élu, au titre philologique, membre de l’ Académie de langue et de littérature françaises dont il deviendra le président , en 1975.


En septembre 1984, alors qu’il s’est fixé définitivement à Jamioulx, son village natal, où il occupe la maison de ses parents, Willy Bal est admis à
l’ éméritat. Dès lors, il peut non seulement s’adonner à des travaux manuels de jardinage, d’élevage et de bûcheronnage, mais également à des recherches dialectologiques et, surtout, à l’ écriture.


L’ oeuvre de Willy Bal est abondante et variée. Elle s’articule avant tout autour de la poésie dialectale qui a été et reste l’élément moteur de sa production. Après Oupias d’avrî, qui lui avait valu d’être remarqué et lauré alors qu’il n’avait que 17 ans, sont venus entre autres un essai »Èl région dins l’ monde »; « Au soya dès leus, : des vers sauvages dont la secrète amertume ne parvient pas à troubler la fraîcheur ; « Nos n’ pièrdrons nin », écrit au coeur de l’hiver 46-47: c’est le retour de l’espoir, des certitudes nouvelles, du renouveau de l’Homme; un long texte en prose: « Il aveut pôrtè l’ soya dins s’bèsace », simple histoire de Pierre le braconnier poursuivi par les gendarmes. Voici bientôt « Lès fauves dèl taye- aus- fréjes et contes dou tiène- al- bîje »: neuf textes en prose qui évoquent les deux versants de la vie, soleil et ombre, avec poésie, sagesse, vérité, humour, tendresse et réalisme.


En 1957, Willy Bal revient à la poésie et publie «Poques et djârnons », plaies et germes, souffrance et espoir. Des pages nourries de cette veine paysanne chère à l’ auteur. Après un hiatus qui semble coïncider avec son séjour en terre africaine, Willy Bal revient à la poésie wallonne ainsi que l’ atteste la troisième section des « Oeuvres poétiques wallonnes », une anthologie de près de 200 pages publiée en 1991


Au fil des ans Willy Bal, a continué ses travaux de dialectologie et de linguistique, s’intéressant notamment à la proximité des choses, aux coutumes, aux métiers ainsi qu’ en témoignent  études et d’articles dont il ne me parait pas possible de citer, ici, le détail.
Tout intellectuel qu’il fût, Willy Bal était resté un homme de la terre et il n’ est pas étonnant qu’il ait été fort impressionné dans sa jeunesse par l’ oeuvre de Charles Ferdinand Ramuz au point de consacrer les vacances qui précédèrent son entrée à l’université à composer une adaptation en wallon de Jamioulx dAline, un des textes les plus connus du romancier vaudois. Cette adaptation, il la rangea dans un tiroir, l’ égara pour plus de soixante ans. Un jour pourtant, à l’ occasion d’une heureuse remise en ordre de son grenier, il eut le plaisir de retrouver ce «  manuscrit perdu » qu’il relut avec étonnement. Il y apporta une légère toilette orthographique .
« Aline » est le recueil numéro 5 de la collection littéraire MicRomania, Ce volume succèda à « Warum Krieg? » encore un texte de jeunesse, une longue réflexion sur la guerre éditée par l’ ALWaC. Paru en 2001 aux éditions èl bourdon , « Djon.nèsse a malvô » rassemble six proses qui qui ont pour thème la deuxième guerre mondiale,proses doublées d'une traduction française.
Appelé dans le vaste monde de la romanité pour des cours, des conférences, des congrès, des journées d’étude, le professeur Willy Bal a, certes, beaucoup voyagé. Au total, combien d’expériences enrichissantes pour un homme qui avait choisi , très tôt, d’aller vraiment à l’ essentiel.
Car la sève de ce vrai wallon s’était nourrie ,et ce consciemment depuis l’enfance, dans l’ attachement profond à sa terre èy’ a lès djins d’ sès djins. Dans cet héritage, le dialecte figure en première place. Willy Bal, poète, prosateur, en a tiré des pages personnelles, écrites dans une langue tantôt délicate, tantôt rude et crue mais toujours pure et savoureuse et résolument moderne.


Il y aurait tant de choses à dire , encore, tant de témoignages à évoquer qui touchent de près WILLY BAL. Retenons aujourd' hui l’ ampleur de son action, la valeur de son oeuvre souvent récompensée par des prix prestigieux et surtout, remercions le d'avoir été ce qu'il fut: une figure attachante de notre patrimoine littéraire, un Humaniste à l’ écoute du coeur profond de sa race, un wallon parmi les tout grands pour qui rien de ce qui fait le sel et la richesse de notre identité n’était demeuré étranger. Chez lui, le cerveau était tellement près du cœur !
Danielle Trempont.




Sources biographiques.
Willy Bal, d’après Roger Foulon, in èl bourdon n° 482.
èl bourdon n°658, septembre 2013









4 commentaires:

  1. Merci pour cette biographie très intéressante consacrée à Willy Bal.
    L'étude qu'il a entreprise des mots d’origine portugaise en Afrique noire a
    dû être une activité singulière!
    Cordialement.
    Eric Monaux

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    1. Merci Eric.Willy Bal était vraiment un grand "Monsieur" et c'est un honneur de l'avoir connu .

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  2. On ne peut que te féliciter chère Danielle d'avoir créé un blog cher à
    notre cœur, et qui ne peut que toucher les vrais wallons. Et surtout
    d'avoir mis à l'honneur notre maître à tous, Monsieur Willy Bal.
    Nadine Modolo
    Cordialement,
    Modolo Nadine

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    1. Merci Nadine.C'est toujours un plaisir d'évoquer nos grands auteurs et c'est un honneur de les avoir fréquenté.

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zûnâdje(s)